L’hypnose. Un fameux sac de noeuds.
Certains pensent qu’elle se pratique et ne doit pas être étudiée. D’autres soutiennent qu’il n’y a rien à étudier. D’autres encore espèrent que l’imagerie cérébrale lui fera livrer tous ses
secrets.
Dans ce récit de colloque, une vingtaine de spécialistes en sciences humaines prennent la parole tour à tour pour tenter de cerner le phénomène.
Une journaliste est là qui les écoute, interroge, tombe des nues, revoit ses positions.
Car le discours sur l’hypnose, à l’image de l’hypnose elle-même, transforme le regard et soulève les plus troublantes questions.
Qu’est-ce que la réalité ? Qu’est-ce que la rationalité ? Qu’est-ce qui distingue science et croyance ?
De tous les produits de l’univers, l’esprit est celui réserve les plus grandes surprises.
De la transe à l'hypnose se présente comme « une réflexion personnelle librement inspirée » des interventions des orateurs. Le livre diffère sensiblement des « actes » traditionnellement édités à l'occasion de ce genre de rencontres. Face à des hôtes peu académiques et passablement déroutants, Elisa Brune choisit d'endosser l'habit de Candide. Elle joue le jeu avec une délectation à peine dissimulée. En bonne « journaliste » (c'est sous cette étiquette qu'elle se présente), elle restitue fidèlement les propos des orateurs et en propose des commentaires fort pertinents. Le dispositif mis en place prend une dimension fictionnelle inattendue, qui explique en partie l'intérêt suscité par la lecture de ce livre a priori austère. Elisa Brune ajoute ainsi une nouvelle variante à un thème qu'elle n'a cessé de décliner: celui du rapport complexe et fécond que l'univers des sciences entretient avec la littérature.
Daniel Arnaut – La Carnet et les Instants – Juin 2006
Pour la deuxième fois, je vais me retrouver installée dans la grande salle d’apparat du château de La Hulpe pour assister à un colloque scientifique. Mais ce n’est plus tout à fait par hasard. Mon premier colloque avait eu les caractéristiques du rêve, presque du quiproquo. Un concours de circonstances m’avait amenée là où les grands esprits se rassemblent. Croyant faire partie d’un vaste public, je m’étais retrouvée seule avec mon ami Alexandre, invité comme journaliste scientifique. Le colloque se déroulait à huis-clos et je n’avais rien à faire là. Mais Alexandre m’avait sauvée en déclarant que j’étais son assistante. Et le colloque, consacré à « L’unité de la connaissance », m’a tellement emballée que je suis effectivement devenue journaliste scientifique par la suite. Les hasards de la vie !
Cette année, je suis officiellement invitée. Mais le sujet est tout différent, et l’assistance aussi. Autant « L’unité de la connaissance » avait convoqué de philosophes et de physiciens, avec une petite ouverture sur la psyché, autant « De la transe à l’hypnose » rassemble d’anthropologues et de thérapeutes, avec un tout petit reste de philosophes. L’heure n’est plus à l’objectivité, nous entrons dans les marécages du psychisme.
Je suis curieuse, un peu inquiète, et plus que jamais candide. Mon psychisme, personne ne l’a jamais sondé et je m’y risque très peu moi-même, considérant que pour garder l’équilibre il vaut mieux fixer son regard au loin. Mais si l’occasion se présente, je suis toute prête à découvrir quelques états de conscience qui me dépassent. Rien de plus vivifiant que de se faire bousculer les convictions.
Pour ce premier soir, un dîner d’accueil rassemble tous les participants dans la grande salle de marbre de l’Université Libre de Bruxelles – de quoi nous rappeler que nous sommes entre gens sérieux. Le recteur et un ministre sont là pour présider l’événement, et donc le cautionner, ce qui me porte à croire que nous sommes en terrain sûr. Et pourtant, et pourtant… mes repères vont rapidement se casser le nez.
Je me suis assise à côté d’un monsieur que je ne connais pas (je ne connais personne). Dans la force de l’âge, il exprime une forte personnalité, comme on en observe rarement dans un dîner de gala. Ce qui m’arrange plutôt, car je déteste les soirées passées à débiter des banalités. Je lui demande s’il est psychiatre, ou bien psychothérapeute peut-être… ? « Psychanalyste » répond-il d’un ton offensé. J’apprendrai vite qu’il vaut mieux, avant d’aborder quelqu’un, savoir dans quelle équipe il joue, car les batailles font rage. Il ajoute aussitôt :
- Mais tous les psychanalystes de la planète ont juré d’avoir ma peau.
Allons bon, même dans un seul camp, ça barde à ce point-là ! Il va falloir marcher sur des œufs.
- Vous avez malmené leur discipline ?
- Plus que ça ! J’ai le culot de faire de la recherche, et il n’y a rien de plus sacrilège. La psychanalyse, voyez-vous, ça consiste à réciter son catéchisme. Moi, je pose des questions, je vais plus loin que la doctrine, alors on me traîne dans la boue, on me descend en flammes. Il n’y a vraiment que Françoise Dolto qui s’en est pris autant dans la poire. Sachez-le : les psychanalystes sont des gens dangereux. 90% d’entre eux font plus de tort que de bien.
- Mais pourquoi pratiquez-vous la psychanalyse, alors ?
- Parce que je n’ai rien trouvé de mieux. Mais ça va changer. Je suis en train de me reconvertir au chamanisme.
Un précipice s’ouvre brusquement sous mes pieds. Je croyais qu’il s’agissait d’un colloque universitaire. Que se passe-t-il? C’est une blague ? Chamanisme, il a bien dit chamanisme ?
Liste des intervenants
Luc De Heusch
Bertrand Hell
Clara Acker
Didier Dumas
Didier Michaux
Françoise Schott-Billmann
Sylvia Mancini
Tobie Nathan
Jean-Patrick Costa
Baudouin Decharneux
Historien à l’Université Libre de
Bruxelles
Jean-Pierre Peter
Bertrand Méheust
Thierry Melchior
Edouard Collot
Michel Cazenave
Jean-Marie Lacrosse
Isabelle Stengers