Quatrième de couverture

Je vous vois.
Dans la rue, à table, au bureau, dans mon lit.
Tous, là, qui tournent autour de moi.
Je vous vois tout le temps.
Je vous entends.
Dans votre désir et dans votre morve.
Dans votre poignante platitude.
Dans vos éblouissements.
Vous me broyez, mais c'est bon.
Ça occupe parfaitement mon temps.
Vous me faites toutes sortes d'effets suaves et désespérants.
Comme monnaie de votre pièce, je vous les rends.  

Fissures d'Elisa Brune lecture intégrale par Lara Cowez (extrait)


Extraits de presse

 Au gré de souvenirs, de rencontres, de moments infimes, d'images fugitives, de lectures, de faits divers, c'est tout le rapport à l'humain que ces textes, d'une densité exemplaire, reconstruisent comme on le fait d'un tyrannosaure à partir d'une vertèbre.

Posée froidement, la question fondamentale est simple et relève de l'ironie socratique: pourquoi est-il normal qu'en tout ce que nous faisons nous soyons aussi cons et aussi méchants alors que cela nous fait tant de mal?

Ghislain Cotton – Le Vif / L'Express – 19/07/1996

 

Cela se présente un peu comme un traité de sociologie poétique. Un répertoire d'us et coutumes ordinaires, à multiples entrées. Un catalogue de constats modestes sur l'infra-quotidien. Une encyclopédie des comportements microscopiques. L'auteur agit en moraliste, c'est sûr, mais cela n'exclut pas un humour « décoiffant ». On peut jeter sur nos attitudes les plus banales le regard modeste et faussement détaché d'une visionnaire...

Pierre Mertens – Le Soir – 31/07/1996

 

Elisa Brune observe les gens un peu comme on les regarde lorsqu'on se trouve être leur vis-à-vis dans un trajet de chemin de fer. Elle les scrute à la dérobée, mais avec attention. Elle le fait sans complaisance ni mépris, avec intransigeance, cruauté, lucidité et un reste d'enfance où affleurent fraîcheur du regard et révolte de l'être.

Monique Verdussen – La Libre Belgique – 23/08/1996

 

Elisa Brune fait une entrée remarquée en littérature. Dans une suite de textes courts, elle raconte le spectacle de la vie. Cruelle, lucide, exigeante, entière.

Gaël – décembre 1996

 

C'est une suite de croquis de la vie, toute crue, de descriptions vives, de notes, d'aveux, de réflexions fulgurantes sur l'amour, la mort... L'intelligence du coeur, et plus encore, l'écriture virtuose, gracieuse, inventive, font de Fissures un excellent livre.

Bernard Gheur – La Meuse – 28/09/1996

 

Raccommoder son journal intime, où l'on consigne ses impressions sur l'univers, mieux, mettre en scène sa propre petite personne, centre d'un monde fait de terrasses de cafés, de conversations d'autobus et de rencontres toutes plus magiques les unes que les autres... voilà bien la meilleure façon de n'intéresser aucun éditeur.

Elisa ose le péril et donne à lire Fissures, chapelet d'histoires sur la banalité de la journée. Elisa pense tout haut. L'accent est sincère, même et surtout dans ses tentations les plus primaires. Livre pointilliste, Fissures dit toute la vérité sur le talent de son auteur lorsqu'on prend les deux pas de recul nécessaire. De près, c'est trouble. De loin, c'est assez troublant.

 

Sébastien Ministru – Télé Moustique – 17/10/1996

Premières pages

Annie attend un bébé.

C'est-à-dire qu'elle se concentre pour attendre, chaque fois qu'elle s'en souvient, car elle est incapable de s'arrêter, vu qu'elle n'est pas malade. 

Il faut qu'elle bouge, danse et lance son beau rire souple comme un serpentin sur les foules.

Elle veut bien renoncer, à la limite, au rafting et aux auto-scooters. 

Annie était déjà légère, mais avec ce gosse dans le corps elle prend littéralement son envol.

C'est comme si elle avait avalé une bulle.

La bulle pousse, et Annie est tout près du ciel.

Je me demande si elle sera encore aussi pimpante après, quand elle entendra hurler et chialer à longueur de journées.

Mais pour une grossesse, c'est quelque chose de ténu et d'éclatant à la fois.

Elle n'en fait pas un plat, de son ballon.

Elle le voulait depuis longtemps, le mioche, et maintenant qu'il est là, bien coincé dans sa grotte, 

on dirait que ça ne la concerne plus. Elle est dégagée. Dégagée de lui et aussi de n'importe quelle tristesse.

Peut-être qu'elle attendait d'être prise pour pouvoir être libre, et maintenant, kermesse, la nature s'organisera bien toute seule. 

Ce poids en plus, je vois bien que c'est un souci en moins.

Annie, ma complice, c'était une petite fumée.

Elle gazouillait à droite à gauche, sans se poser.

Elle avait une idée fixe, et je trouvais que ça lui allait mal, ce désir d'enfant, comme une fée qui voudrait devenir secrétaire.

Elle n'en a jamais démordu, et les 400 coups c'était juste comme ça, pour s'occuper en attendant.

Elle a tout fait en parfaite gestionnaire: le géniteur, le salaire garanti, la maison en brique avec un nain dans le jardin.

Le tout dans l'ordre et la détermination.

Je pensais: Annie, arrête, tu lis la partition des voisins.

Je voulais qu'elle cesse de se coller la tête sur les épaules.

Mais elle a été jusqu'au bout, quand il a fallu planter la petite graine et tout, ça a marché du tonnerre, son ventre qui levait comme une pâte, il n'attendait que ça, et moi je me demandais, vraiment, ce que ça pouvait être, cette excroissance, parce qu'un môme, non, sans rire, Annie n'est pas de taille.

Et pourtant si, avec son corps de gamine étirée, il faut la voir, elle enfonce les matrones et les permanentées.

Elle fabrique son crapoussin, tranquille, sans marcher de guingois ni reluquer les fraises.

Annie, elle vous fait ça sans avoir l'air d'y toucher.

Ce qui doit sortir sortira, et qu'on ne vienne pas lui faire des regards en coeur ou elle enfile ses patins à roulettes et part à tire d'aile.

Comme elle est là, sa grenouille est presque cuite, et moi je n'y vois toujours que du feu, ma copine avec une bosse, comme un gros bleu après une cavalcade, je ne me ferai jamais à l'idée qu'elle va pondre, renouer avec les traditions.

Attendons de voir le braillard, et si je serai toujours incapable de lui en vouloir.